Rage & Espoir

Langue de lutte
4 min readMar 28, 2025

--

Textes de Noa

1.

nous avons assez de joie et de lumière pour soigner celleux qui restent
pour éclairer nos forêts sombres, celles qui engloutissent
pour nous traîner hors des puits de solitude

nous avons assez de joie en nous, même s’il faut aller la chercher loin

c’est dans les moments les plus mortifères que surgît la lumière, inattendue
c’est dans le noir le plus obscur que ressort le scintillement de l’espoir

la colère est une huile essentielle pour nos moteurs enrayés et fatigués
la joie et la lumière dans les pires cauchemars et les pires batailles,
nous sauveront

2.
je voudrais faire une ode aux petits riens qui me tiennent en vie
ce matin, ta main sur la mienne dans un demi-sommeil
hier, le caissier qui aide une cliente malvoyante
je suis tellement à pétale de peau que j’ai lâché une larme en voyant la scène

ton message insta tout doux en buvant mon café-French press parfaitement dosé
ton regard brillant qui donne de la force
ce soir, une sauce salade, huile d’olive-moutarde-miel
puis mettre cette sauce dans un joli bol
et dresser une belle table

arriver dans ma chambre et qu’elle soit rangée
avec mes vêtements bien pliés
puis me vautrer sur mon lit bien fait

sourire au boulanger et croquer à pleines dents dans la baguette chaude et croustillante
voir plein de bulletins RN dans les grosses poubelles des bureaux de vote
prendre en photo les slogans féministes fraîchement collés

enfourcher mon vélo et descendre la pente à tout allure, en sillonnant le vent chaud d’un été qui tarde à arriver
écouter en boucle ma musique préférée et te la faire découvrir et espérer que tu l’aimeras autant que moi

les petits riens forment un tout qui enveloppe ma vie de douceur
les riens sont mon tout et je ne ferai rien sans eux
je ne veux rien que des petits riens, ceux qui nourrissent au quotidien

3.
Il ne se passe pas une journée sans que mes yeux croisent ceux d’une personne qui dort à même le sol, son corps humain fragile sur le bitume, sa nourriture mangée par les rats, le froid de la nuit qui glace le sang, l’alcool parfois pour se réchauffer un peu, et puis l’alcoolisme qui fait sombrer, et la drogue dure qui peut tuer

il ne se passe pas un jour sans que je n’entende quelqu’un demander une pièce pour manger parce qu’iel a perdu son boulot/ ses papiers / sa famille / son logement
comment la société a-t-elle pu créer tant de misère ?
comment le gouvernement peut-il laisser tant de gens mourir dans la rue, sous nos yeux ? et maintenant, même les jeunes et les enfants ?
comment peut-on arrêter de hurler tant que tous les humains n’ont pas une vie digne ?

je repense à cette femme dans le métro dont la précarité et la maladie de peau lui rongeaient le visage
à cet homme qui n’avait pas la force de se déplacer jusqu’aux toilettes publiques
l’odeur de la bouche de métro était semblable à la puanteur des hommes au pouvoir

ce ne sont pas les corps malades, délaissés, cassés, puants, souffrants, pauvres, étrangers, irréguliers qu’il faut combattre
c’est vous que je veux voir disparaître de mon pays : vous qui êtes en bonne santé, vous qui sentez bon, qui parlez bien français, qui avez des bonnes manières, vous qui jouissez de tous les privilèges et qui dépensez des milliards pour que jamais un centime ne soit utilisé pour les autres, les minorités, celleux qui meurent doucement assassiné•es par votre cupidité et par votre égoïsme

vous qui craignez tant la redistribution des richesses, alors que vous ne savez même plus quoi faire de vos millions
vous qui vous en foutez du réchauffement climatique, car vous aurez toujours assez d’argent pour vous construire une tour d’ivoire, climatisée et vous faire livrer vos courses pendant que les livreurs crèveront sur leurs vélos, qu’on galèrera dans nos petites assos, dans nos métiers précaires qui finiront surement par disparaître

j’ai la rage ouais mais j’avance avec mes adelphes, on sait pourquoi on se bat
nous on va pas consulter parce qu’on trouve pas de sens à notre bullshit job qui nous enrichit mais qui n’a pas de sens mais qu’on ne peut pas quitter parce qu’on gagnerait moins, hmmm

on est queer nous, parfois en galère, mais notre vie a sens, une vie de lutte c’est une existence remplie, humaine, vraie
je le vois quand nos corps chelous dansent à la La Flèche d’Or
quand on lit nos textes et qu’on se comprend
quand on aime de tout notre être, de tout notre corps, de tout notre cœur, avec le moindre vaisseau sanguin, la moindre veine, la moindre artère qui le compose nous, on n’aime pas à moitié on est des dramas mais on vit au max
c’est aussi cette intensité qui nous tient, nous écorchés vifs et vives, violenté•es, rejeté•es, discriminé•es mais bel et bien vivant•es et solidaires pendant que vous vous êtes aisés mais solitaires dans une vie qui n’a pas de sens, un job qui n’a pas de sens, tout ce que vous accumulez c’est des euros, plus vous vous enrichissez matériellement plus vous vous appauvrissez humainement, plus vous vous videz de votre substance

nous, on se laisse pas abattre, on n’est pas des arbres dans la forêt
on est des âmes qui s’assemblent et qui créent, qui luttent pour une vie meilleure pour les nôtres et tous les autres

--

--

Langue de lutte
Langue de lutte

Written by Langue de lutte

Les textes de ce blog ont été créés lors d’ateliers d’écriture, en non mixité queer et féministe. Plus d’informations sur : www.facebook.com/languedelutte

No responses yet