Mauvaises langues
1.
j’écris avec des fragments de verre cassé-coupant
les petits fragments de vie et de mort
ceux qui font saigner et se sentir vivant
j’écris pour dénoncer
ceux qui vivent pour dépenser
alors que d’autres meurent pour des pensées
ceux qui se lèvent pour tuer
pendant que d’autres lèvent des fonds
ceux qui en détournent
et détournent surtout le regard
qui sont lâches
qui lâchent l’affaire
qui lâchent prise
alors que d’autres mettraient leurs doigts dans la prise
devant toutes ces horreurs
y en a qui se convainquent qu’ils ont raison
emprisonnés dans leur mode de pensée
ou plutôt de non-pensée
la mort de la pensée, c’est la mort des humaines
la poussière, la fumée, le sang
j’écris avec les mots qui partent des tripes
et qui font des loopings dans le ventre
je vomirais les mots qui me viennent
et qui ressemblent aux criminels de guerre
les incendies qu’ils créent finiront par les brûler
à commencer par leur âme
2.
les regards mènent une vie secrète
ils sont liés à la vue, un des cinq sens
on regarde avec nos yeux a priori
ou peut-être avec le coeur aussi
dans le regard est-ce que je vois vraiment ?
qui est-ce que je regarde et pourquoi ?
toi, tu regardes toujours par la fenêtre
tu te crois dans un film
ambiance vitre-goutte de pluie-début de nuit-voyage en train
lui, il ose pas regarder dans les yeux
parce qu’il a peur de s’y perdre
et ça le tétanise
elle, elle regarde les passantes, les gens dans le métro
elle a un crush toutes les semaines
ce qui est bien dans la vie des regards
c’est qu’ils peuvent durer une demi-seconde
comme plusieurs longues minutes
qu’ils peuvent marquer
laisser indifférentx
ou tout changer
ils peuvent troubler, gêner, chambouler
la cage des yeux s’ouvre
et laisse sortir l’animal regard
regard de braise
regard de désespoir
regard désir
regard déçu
regard vide
les regards font leur vie
parfois ils se rencontrent et ne se comprennent pas
parfois ils aiment, parfois ils oublient
“ah mais tu me reconnais pas?”
les regards peuvent être noirs
comme le vide, comme la mort
regard qui tue
à trop regarder dans les yeux
on oublie d’écouter
pupilles dilattées, regard shooté
“je crois que j’l’aime” — regard envouté
“nan, t’es juste bourré” — regard alcoolisé
les yeux iris bleu
ceux qui font chavirer
regard dans le blanc des yeux
plus très blanc, plutôt rouge — regard enfumé
je la regarde quand elle fume
et j’adrore ça
les habits du regard sont nombreux
regard joueur, regard curieux
regard ténébreux comme le brun de ses cheveux
les regards qu’on n’oublie pas
sont ceux que l’on espère
regard qui mouille
regard qui sèche
regard qui souille
regard qui lèche
les regards mènent leur vie secrète
à l’abris des regards malicieux
et toi, quand tu te regardes, qu’est-ce que tu vois ?
3.
à mes adelphes
celleux qui ne sont plus
celleux qui ont été
pour nous, nos droits, nos vies
à mes adelphes en manque d’argent, en manque d’amour
celleux qu’on ne regarde pas souvent
celleux qu’on n’écoute pas assez
qui ne comptent pas vraiment
celleux qui n’ont pas ma chance
qui se battent avec ce qu’il leur reste
celleux dans la galère
à toustes mes adelphes gouines trans pédé.es
textes de Noa Meràki
instagram : @noamerakis