Le 27 septembre 2040, il est 13h15
Le 27 septembre 2040, il est 13h15, je me réveille. Je déteste me réveiller aussi tard. J’ai un mal de crâne atroce. Je suis tout.e habillé.e dans mon lit. J’ai les cheveux gras. Je ne suis même pas démaquillé.e. Je me sens coupable de ne pas m’être démaquillée. J’ai l’impression d’avoir mille couches de maquillage, comme à chaque fois que j’oublie d’enlever mon mascara. Je regarde le plafond. Le même plafond que je regarde tous les matins et tous les soirs depuis que je suis enfant. Puis d’un coup, un élan. Je sors de mon lit, je descends. J’ai faim. Il n’y a personne dans la cuisine. Papa n’est pas là. Maman non plus, Luna non plus. C’est trop calme… J’entends des voix dans la cour. Tant mieux, je ne suis pas dans un mauvais rêve. Je sors dans la cour. Le chêne est toujours là. Ouf. Il y a deux jeunes personnes qui discutent en fumant une cigarette. Elles m’ont l’air étrangement familières, mais je ne les reconnais pas. Elles me regardent interloquées. Elles se décomposent, leurs visages se décomposent… Je me décompose. Je n’ai même pas eu le temps de me regarder dans le miroir. Je dois avoir une gueule pas possible. Je sors dans l’impasse. Les nuages sont blancs gris. Il n’y a pas un bruit. La rue est déserte. On est dimanche, peut-être. J’ai l’impression d’être dans un cauchemar éveillé, et pourtant, c’est étrange, je n’ai pas peur. Je suis censée avoir peur. Je n’y arrive pas… L’air est… bon. Quelque chose cloche… mais je ne me sens pas en danger. Je me mets à courir, je descends la rue de Longchamp à toute vitesse, je cours, vole, mais je n’ai pas l’impression de fuir. Je cours, parce que j’ai envie de courir. Jamais un désir n’a été aussi évident. Je cours, je vole, je ne vois plus rien, je ne sens que le vent qui m’aveugle, puis je ne le sens plus, je n’entends plus rien sauf ce désir, cette respiration. Je me décompose.
Eli
Atelier d’écriture féministe Langue de lutte — Utopie Queer