La fête
Mon accessoire de fête ? Mes talons, un string, un appareil à bulles, des préservatifs, ma robe verte. Avant de sortir, je prépare mon lit pour mon retour, pour qu’il n’y ait pas d’obstacle sur mon retour dans l’ivresse
Où es-tu ? Chez ma meilleure amie
Qu’est-ce que tu fêtes ? la fin de l’année, son départ, notre anniversaire
Ta chanson du moment ? R. Kelly I believe I can fly ou Mariah Carey I can’t live
Et puis j’ai glissé…
Si on faisait une boum
Si on organisait une boum
Pour danser des slows dans le noir avec des garçons
Pour se coller dans la chaleur de l’après-midi
On mettrait du papier alu aux fenêtres pour qu’il fasse comme nuit
On se ferait belles
On se prêterait des fringues
On rigolerait
On attendrait l’heure de la boum
En tremblant qu’il vienne ou qu’il ne vienne pas
Et quand il sera là
On dansera
Moi, margouillat multicolore à paillettes :
Il me regarde là ? Est-ce qu’il me regarde ? Il me regarde là non ? Putain, il me regarde ! Je bouge plus. Je suis tétanisée. Je fais comme si de rien n’était. Je dois ressembler à un animal du genre bizarre qu’on voit dans les documentaires animaliers en rentrant de teuf à 5h du mat’ complètement défoncés. Je dois ressembler à ca, un genre de margouillat multicolore à paillettes, qui se fige, avec mes yeux exorbités de rose, je m’immobilise — comme si on avait coupé le son façon chaises musicales sans chaise, avec Philippe Katerine, et la banane je l’ai dorée autour de mes hanches verrouillées. Tempête sur le sound system et coupure de courant en mode c’est le bad dans les champs.
Est-ce que je ressemble à ça ? C’est moi ça ? Pourquoi je me fais penser à une proie ? Et si je suis une proie, ça veut dire qu’il y a un prédateur…Attendez les gars ! Je suis pas sapée pour une partie de chasse là ! Avec les copines, on a bu du whisky coca, fumé des pétards et yallah ! Fiesta ! Moi, tout ce que je veux, c’est danser, danser, danser. Tout lâcher. Et je m’en branle que ça te fasse bander, je veux juste danser. Me défoncer de rires et de désirs. Pas me faire défoncer dans le couloir. C’est quoi le délire ?
Je suis pas une petite, je suis pas ta petite, je suis pas petite, je suis la reine du dance floor ! Je suis pas bébé dans un coin, je suis au cœur des projecteurs, en feu sur la piste et sur le bar en sueur je dégouline de bonheur, ça t’en bouche un mon canard ? Qu’au coin de ma bouche ça tremble, que ça soit pas pour toi que je tremble — pas pour toi non non non — je vibre toute entière, c’est le pied, je vibre, tout mon corps vibre, je rêve, je vibre, je danse, je suis un serpent sur le son, je suis l’onde qui te colle des frissons, je suis le caisson qui fait résonner tes basses, je suis le mur du son qui fait boom boom dans ton cœur et te colle une alarme pour déchirer tes tympans. Écoute la sirène, regarde comme je crache, je suis pas une proie qui bouge pas, je danse je danse je danse.
Je ne crois pas que ce soit la cocaïne non. Je me rappelle bien d’une nuit, enfin de plusieurs nuits où j’en ai trop pris oui, à m’en déboiter la gueule. Mais ce n’est pas ça. Ce qui me déboite vraiment c’est quand je devrais fermer ma gueule. C’est la colère qui me tend qui me tend qui me tend. Je ressens tellement de haines et de violences que je n’ai plus de mot.
Soleïma
Atelier d’écriture féministe #LanguedeLutte
Dimanche 2 août 2020 à la Mutinerie