Je suis hache de cristal. Je ne savais pas que j’allais me briser quand j’ai frappé.
BIP BIP BIP
Tous les jours retenti le bruit de la
BIP BIP BIP
Machine à laver
BIP BIP
Répétition agaçante
BIP BIP BIP
Il faut se lever vite
BIP BIP
l’arrêter
Tout les jours, j’ouvre la lucarne de la machine à laver
Je plonge ma main dans son humidité
Caleçon court de Romain : au sèche-linge
Short de sport de Papa : à étendre
Tanga noir de Camille : à étendre
Et la robe de Maman ?
C’est du coton ça devrait aller au séchoir mais est ce que je ne risque pas de l’abimer ?
Tous les jours je transvase machine mouillée dans machine sèche
Pour évaporer l’eau qui fait partir la sueur les taches de gras la poussière du métro
Tous les jours faire évaporer l’eau allonger bien à plat les gros pulls
Ne pas faire rétrécir leurs vêtements ne pas les laisser pourrir
Il y a deux jours
Tu m’a donné rendez vous dans ta laverie
Au bout de notre rue, qui était ma rue, qui est maintenant ta rue
J’ai regardé nos draps, qui sont maintenant tes draps, rouler et rouler gorgés de ma lessive
« t’a laissé une capsule je l’ai utilisé pour cette machine »
J’ai regarder tes sous vêtements de coton rouler et rouler dans le tambour
Ils avaient l’air doux
Je me suis rappellé que j’avais même pas eu le temps de les toucher après que tu les ai acheté
Je t’ai regardé vider tes machines comme tous les jours je vide les miennes
C’était mes entrailles que tu sortais du tambour
Tu as allumé les sèches-linges
« 1.20 euros l’unité mais j’en lance toujours deux sinon ça sèche pas. Je paye les deux d’un coup après ça c’est fini t’inquietes »
Après ça c’est fini t’inquietes
Tout le linge sera sec
Tout aura été lavé
Plus aucune saveur inscrutée
Plus de fluides partagés
Rien que l’odeur acide de la lessive
Rien que l’humidité de l’air
Rien que la solitude des chairs nues qu’on pourra de nouveau cacher derrières le coton doux, le synthétique qui donne chaud, la laine qui gratte et Tout les jours la machine qui bip bip bip pour me rappeler qu’il faut me laver