Je ne m’arrêterai pas

Langue de lutte
2 min readNov 25, 2020

J’avance dans le noir. La cadence de mes pas, signent la peur.

Ça faisait longtemps que ce n’était pas arrivé. Ce n’était toujours pas réellement autorisé. Nous n’étions ni les premières ni les dernières à le faire. Nous ne faisions rien de mal. En fait, nous faisions ce que nous avions l’habitude et le droit de faire librement quelques semaines auparavant. Que maintenant nous ne pouvons plus faire, légalement.

Avant, des inconnues pouvaient devenir des histoires d’un soir, des histoires à raconter, des histoires à suivre, nos belles histoires. Des visages jamais croisés pouvaient devenir familiers au lever du jour.

Maintenant nous faisons ça entre nous. Entre amitiés qui ont la chance de ne pas vivre trop éloignées dans la même ville.

Nous nous disons que, les mesures on les emmerde à la hauteur de leurs incohérences. Mais nous savons bien, qu’en réalité ils nous ont pris la rue. Déjà qu’elle était loin de nous être facile. Ils nous ont pris la rue et la nuit. Elles qui n’avaient de l’évidence que l’idée, une vue de l’esprit. Ils nous ont pris la rencontre, la découverte, l’échange imprévu dans le couloir étroit à la file d’attente des toilettes.

Ils nous ont dépossédé de la drague. Ce moment abrupt et doux où mes yeux accrochent les tiens. L’envie de se dévorer dans le bruit, sous la musique et les corps, et les verres qui trinquent ou s’explosent au sol.

Ils nous ont pris la rue, la nuit, mais nous la faisons quand même. Y a de la joie, et cette inquiétude, l’attente et cette frustration.

Je suis rentrée avant l’aube. Le cœur en arrière.

J’aime tellement le calme de la ville la nuit juste après la pluie.

Mais je ne m’arrêterai pas. Pour prendre le temps d’écouter il faudrait se sentir en sécurité.

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Langue de lutte

Les textes de ce blog ont été créés lors d’ateliers d’écriture, en non mixité queer et féministe. Plus d’informations sur : www.facebook.com/languedelutte