Je frappe
Je me sens épuisée par la colère et la rage qui m’anime.
Je ne me sens pas la force de lutter et de revendiquer.
Quand nous avons dû parler d’une partie de notre corps, j’ai choisi mes mains, pour ce qu’elles touchent, me font sentir, pour les vibrations et les aspérités qu’elles captent en défilant sur un corps, pour les mélodies qu’elles composent en remuant des fruits à coques ou des morceaux de sucre dans un bocal.
Si je devais parler d’elles et de ma lutte engagée, je parlerais de la façon dont j’ai appris à m’en servir pour cogner. Taper, frapper, parer les coups, les rendre, les donner.
Le temps de la paix convenue et de la docilité est terminé.
Mais je suis fatiguée, à bout, en colère, contre moi surtout et dans ces moments-là, l’envie de lutter me quitte, je me résigne, me replie, je m’isole. J’ai honte de moi, de mes choix, quand bien même ces derniers sont le produit d’une éducation genrée.
Alors je frappe dans le vide, contre les murs, les coussins qui étouffent et absorbent la colère, je frappe dans le vide.
L’écriture, quand je me sens à bout, en colère, me permet de frapper, d’asséner des vérités. Je le fais parce que d’autres l’ont fait avant moi. Je me sens guidée, accompagnée, encouragée. Fini le temps de la docilité et de la paix imposée. Je retrousse mes manches, je prends mon clavier et je frappe.
Je tape des textes, je crie ma colère, je crache les mots comme ils me viennent, j’évacue et je cogne, là où ça fait mal.
Je publie, j’envoie, je ne me tais plus.
La langue est déliée, les mains sont affairées.
Mélanie