Je devrais
Je ne devrais pas. Je ne devrais pas me fixer dans le miroir et regarder avec dégoût toutes les parties molles de mon corps, à l’exception de mes seins qui eux seuls ont reçu le droit d’être mous et gros — ce qu’ils ne sont pas.
Je ne devrais pas. Je ne devrais pas penser à mon père qui attrapait les bourrelets de mes treize ans en me traitant de grassouillette, ni aux années suivantes de mon adolescence que j’ai passées à avoir faim.
Je ne devrais pas. Je ne devrais pas continuer à sauter des repas en espérant faire bouger l’aiguille d’une balance vers la gauche, ni même regarder la balance, car cela finit toujours en avalant l’équivalent une semaine de courses en moins d’une heure.
Je ne devrais pas. Je ne devrais pas entendre encore et encore les connaissances qui m’ont soufflé ‘tu as mangé beaucoup de McDo?’ et revoir encore et encore l’année de dépression et les médicaments qui ont changé, en plus de tout le reste, mon enveloppe corporelle sans me demander mon avis.
Je ne devrais pas. Je ne devrais pas passer mon temps de cerveau disponible à rêver aux abdos parfaits, aux fesses parfaites, aux cuisses parfaites, et surtout, je ne devrais pas attendre de les avoir pour draguer les filles qui me plaisent.
Je devrais manger, boire, parler, séduire, baiser, voyager, et me rappeler que ce corps que je n’arrive pas à aimer parce qu’il refuse de m’obéir n’est pas là pour faire joli, il est là pour vivre et aimer vivre.
Mais ma tête aussi refuse d’obéir.
Rolka.