Insomnies

Langue de lutte
2 min readDec 30, 2023

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Tu te réveilles triste, sans comprendre pourquoi. Tu essaies de saisir des fragments de rêves, tu essaies de t’en souvenir vite mais ils s’évaporent plus vite encore. Quelque chose de triste s’est produit dans ton sommeil, mais tu ne sais plus vraiment quoi.

Comme chaque matin tu aères la chambre, prends un bon petit déj’, fais du sport, referme les fenêtres, fais ton lit, puis des étirements. Tu plies ta tenue de sport dans le coin de la chambre dédié aux fringues pas propres mais pas trop sales non plus. Puis sous la douche bien chaude tu te demandes pourquoi tu es encore triste alors que tu as exécuté tous les rituels.

Peut-être que ces routines ne sont pas faites pour se sentir bien, mais pour se sentir tout court. Cette tristesse dans ton ventre, tu te rends compte qu’elle n’est pas unique. C’est la somme de petits cadavres qui remuent doucement.

Il y a cet appel que tu repousses depuis des mois pour éviter ce que tu anticipes de ressentir au bout du fil. Il y a celleux à qui dire je t’aime te faisait peur et à qui tu murmures ces mots en silence maintenant qu’iels ne peuvent plus les entendre. Il y a ces gens à qui tu ne parles plus sans trop savoir pourquoi, en te demandant à quel point iels ont aussi signé cet accord tacite de mutuellement s’oublier et à quel point tu inventes des ruptures qui n’ont jamais vraiment eu lieu. Il y a tout ce dont tu as préféré sortir par la porte du silence, un silence devenu ce vacarme interne que tu espères chasser en faisant plus de sport ou en pliant mieux tes vêtements.

Chaque lien que tu as laissé dépérir parce que la froideur te rassure plus que les accrocs est devenu un poids qui reste accroché dans ton ventre. Les embryons de tous ces liens avortés qui ne veulent pas vraiment partir, les restes de ces attachements brisés en silence qui n’ont pas pu se soigner à travers des mots, maintenant ils pendouillent comme une petite appendice, à l’intérieur de ce ventre que tu as voulu plat à défaut d’être plein.

C’est là qu’elle se situe, cette tristesse dont tu ne comprends pas la racine, quand le matin, tu te réveilles en essayant de saisir tes rêves, ces rêves tristes qui te coulent entre les doigts.

texte de Louise // lou_is_writing

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Langue de lutte

Les textes de ce blog ont été créés lors d’ateliers d’écriture, en non mixité queer et féministe. Plus d’informations sur : www.facebook.com/languedelutte