Gala Moreau
Atelier d’écriture Fiertés, rage et paillettes
Avec Alex Tamécylia
Le 17 mai 2025 à la Bibliothèque centrale de Tours
1. « Nous sommes comme un après-midi sans lunettes de soleil », disait Tante Encarna. « Notre lumière aveugle, elle offusque ceux qui nous regardent et elle leur fait peur. »
Et je n’ai pas compris, car longtemps je me suis moi-même fait peur et craignais de regarder dans mes propres yeux. Lorsque j’ai inversé la tendance et décidé de dénicher, non déterrer, oui débusquer, non défricher, oui désencombrer, non désemparer, oui libérer ce que j’avais là tout près, ça a fait comme raz de marrée, la digue a sauté le barrage a cédé. Et le monde s’est empressé de vouloir, comme un fleuve agité le remettre dans son lit, dompter une rivière. Ils et elles ont cru bon, nécessaire, indispensable, de me rappeler à être qui je ne suis pas. Car qui je suis déborde de son lit et irrigue d’autres terres.
« Nous sommes comme un après-midi sans lunettes de soleil » et je suis comme une rivière sans lit.
2. Je tremble je sue j’ai les yeux qui mouillent et mon nez tend déjà à couler. J’ai chaud. Rien n’a jamais été aussi difficile que de parler en public, ou plutôt en groupe. Toutes ces têtes déjà réprobatrices.
Toutes ces têtes tournées sur soi, sur moi, comme une armée de tournesols visant le soleil. J’ai envie de baisser les yeux, la tête et tout le reste, j’ai envie de courber jusqu’à renter en moi-même et devenir mollusque en spirale pour rouler vers d’autres contrées imaginaires. Me taire où ne donner que des onomatopées pour satisfaire pour justifier de ma présence. Oui parapher dans un coin de page et me dérober.
Rien n’a jamais été aussi difficile que d’être soi en communauté. Je slalome entre les parpaings de violence tantôt jonchés au sol, tantôt projetés comme des missiles dans les airs. Les tournesols en ont dans le bide quand il s’agit d’amenuiser un soleil encore trop timide pour les calciner.
Les tournesols tournent autour du sol, croient viser l’éternel, et font la ronde autour d’une pauvre table un dimanche après-midi de repas de famille.
3. Nous sommes en une année où il fait bon de nous rassembler et où le bruit que nous faisons maintenant effraie. Tant, qu’on tente de nous reculer. Mais rien ne saurait nous guider en deçà de nos pas, à rebours de nos amours. Le seuil est franchit. L’abomination continue en microcosme par-ci en macrocosme par-là. Mais en nous le germe de demain.
Gala Moreau
textes de Gala Moreau, compte Instagram : @galamoreau
atelier animé au salon du livre queer
