ce f*cking scone
EDIMBOURG au petit matin sent la pluie. L’humidité. Le petrichor qui suit l’averse. Il y a la vieille d’un côté, habillée de gris vétuste, stricte sous les premières lueurs et chaleureuse comme une grand-mère. La jeune est de l’autre côté, séparée par une forêt ou par un parc selon d’où l’on regarde, éclatante ribambelle d’arbres verts. La jeune pétille dès l’aube. Elle fourmille d’êtres mal réveillé.e.s qui ronchonnent en marchant.
La vieille et la jeune se font face et se rejoignent à la gare. L’une a le château, l’autre la vue. Elles se partagent l’odeur beurrée des scones et la verdure silencieuse des cimetières. EDIMBOURG est la mer et la montagne, l’agitation et la quiétude, l’errance de milliers de mes pas. Prendre la Royal Mile, ou rejoindre Prince Street ? Monter sur la colline !
Et ce n’est qu’une fois parvenu.e à Calton Hill que j’identifie ce qui me dérange… J’ai faim. Irrémédiablement faim. J’ai l’odeur des scones à la bouche et je contemple de mon perchoir l’étendue des lumières qui vibre en contrebas. EDIMBOURG est belle et si loin maintenant que le ventre hurle. Je sais qu’il faut redescendre parmi les vieilles pierres, cesser la poésie de la déambulation, revenir au plaisir trivial d’un p’tit dej. Avec des scones. Encore ! Je n’ai qu’une obsession : dévaler la colline, me fondre parmi la foule, débarquer au Mark & Spencer, l’acheter, ce f*cking scone.
Et mordre dedans.
Avoir le goût chaud du beurre autour de mes dents. Oublier le reste.
Et à ce moment-là loin est la peur. La peur de ne jamais retrouver EDIMBOURG, la vieille et la jeune, Calton Hill ou les scones. Les billets sont réservés, pourtant. Trois semaines, au mois d’avril. Mais comment faire face à l’inconnu.e .? Je me suis trouvé.e là-bas, j’espère m’y retrouver encore.
M’y retrouver, avec ma voix aggravée et mes p’tits pecs tout neufs, ma poitrine sous binder, mon cœur en balançoire. Je suis toujours en équilibre précaire, certainement pas binaire. Va-t-elle me reconnaître ?
L’angoisse de ne pas passer la douane me laisse un goût amer, loin du beurre et du cider de mon premier voyage. Ça gronde comme une colère injuste, là-dedans. Ça m’remue les entrailles.
La liberté est à bout de train, mais si j’tombe sur un con : adieu les scones, bonjour la haine.
Marin.e