Dragonne & Sirène

// TW // Subtiles mention d’états sombres et suicidaires.

J’ai très peur de l’océan.

C’est grand, flou, dangereux, ça mène à tout plein d’endroits différents et à nulle part en même temps.

Si j’avais réussi à naviguer comme il fallait, si j’avais su m’y retrouver, si j’avais eu un phare pour me guider, j’aurai pu le survoler. L’apprécier à bonne distance en suivant ma propre voie et en contrôlant tout. Altitude, vitesse, direction.

Comme si l’atrophie ne suffisait pas, mes ailes ont les a clouées. Mes écailles ont mal supporté tout ce sel, et une à une, elles sont tombées. Le feu de ma rage ici il sert à rien, à part peut être brûler l’embarcation bancale qui me raccroche à la vie.

Je dérive, cramponnée à mon parapluie qui me protège de rien, sur mon radeau près à couler. Puis un jour, au milieu de la tempête, j’ai vu quelque chose de magnifique.

Pas facile de voir de la beauté quand la pluie tombe, le vent souffle, et qu’il fait gris partout … Mais dans toute cette horreur je l’ai vue, elle.

Et elle avait des écailles, comme moi …

J’ai lâché mon parapluie, futile protection, tu sers à rien, laisse-moi ! Je veux prendre le risque de me tremper, de me tromper, au pire je me noie, et à qui je vais manquer ? Peu importe si l’orage me bouffe, j’ai besoin de la voir encore.

Comme une griffe qui lacère le sombre firmament, la foudre éclaire les ténèbres, et au milieu des vagues mugissantes, que l’aperçois à nouveau. Elle me fait signe, me sourit, m’invite. Il me suffit de cligner des yeux pour la perdre, et je sens à chaque fois mon cœur se serrer de douleur.

Ca fait très peur.

J’y vais ?

… Non.

J’ai beau être ruisselante j’ai toujours trop peur de l’eau.

Je suis terrifiée à l’idée que si je l’enlace un peu trop fort on coule toutes les deux.

Alors je la laisse tranquille.

Une dragonne nue et sans ailes, c’est bien trop lourd à porter.

Peut-être, ma sirène, nous reverrons nous un jour, si les vents le veulent bien. __

Ana