Dingueries
textes de Caroline
Nous sommes des êtres multiples, invisibles et singulières, nulle part vraiment à notre place.
Nous existons dans des lieux éphémères, des temps circonscrits, des esthétiques fabriquées, des unicités imposées.
Nous ne cherchons pas une place, mais voulons être partout à notre place.
Nous poussons les murs, défonçons les portes, craquons nos coutures, qu’on a cousues à notre place, méticuleusement.
Nous ne voulons plus avoir à nous définir comme unes, car nous sommes toutes.
Traverser Paris pour encore pleurer. User tout un paquet de Kleenex et payer 80 balles, en voilà un deal étrange. Bon, un espoir infime et lointain tout de même : aller mieux, ou bien aller droit ?
Lui, le métro, il semblait filer droit, sûr de lui sur ses rails pour traverser Paris d’est en ouest. Peut-être que si la vie avait été équipée de rails, on n’en serait pas là. Imaginez un métro sans rails. On voit bien que ça serait voué à l’échec. A minima des panneaux de signalisation, ça ferait sens. « Attention, ça va faire mal. C’est le moment de serrer les dents et de vous cacher sous votre couette. » Ou alors un guide de survie en milieu hostile. J’veux dire, on fait bien des guides pour voyager dans des pays étrangers. Mais pourquoi pas un guide pour quand on débarque sur la planète Terre ? Surtout quand on sait comment tout est fracassé ici-bas. Je pense que ça serait d’utilité publique.
Mais bon, y a les psys, qui eux interviennent après coup, quand on a pris une bombe, que cette chienne de vie nous a allègrement balancée en pleine face. « Oups », dit-elle, « pas fait exprès ». Et nous voilà en miettes. Déphasée. Laissant étrangement notre guérison dans les mains d’une parfaite inconnue habitant à l’autre bout de Paris.
Immeuble vieilli, ascenseur qui grince, cœur qui s’accélère. « Bonjour Madame ». Tiens, elle ne prend pas la peine de me demander comment je vais en entrant. Forcément, elle sait. Elle me fait signe de m’asseoir. Grand fauteuil confortable qui grince un peu, comme l’ascenseur. Une table basse. Mon regard se pose. Tiens, il semblerait que le paquet de Kleenex soit fourni. C’est déjà ça.
Textes écrits par Caroline pendant l’atelier d’écriture : DINGUERIES
