Corps poétiques
1. si ma corps pouvait parler, que dirait-elle ? :
« je ne suis plus une corps étrangère
merci de m’avoir écoutée
je suis ta corps maintenant
après 25 années d’exil
à présent notre lien transcende et transgresse
les barrières entre nous
je ne te suis pas encore tout à fait familière
mais tu m’apprivoises
je suis passée de corps étrangère
à corps existante, corps consciente
de corps rejetée, corps téj
à corps acceptée
d’inconnue à une corps nue
et aimée »
// TW : TCA, sang //
2.
iel se rappelle
de cette lumière toujours éteinte quand iel était dans le lit avec son amoureuse
de ce miroir cassé et jamais remplacé
de ses vêtements les plus larges possible, pour tout cacher
des brassières qui compriment la poitrine, jusqu’à ne plus respirer
de la peur, tout le temps
des « je me doucherai chez moi » après le sport
des applis de workout, de compte de calories, de fitness, de méditation, de repas healthy
toutes jamais vraiment utilisées, mais ça lea rassurait de les télécharger
iel se rappelle du ventre vide qui chante la nuit
et du ventre trop rempli qui fait mal les jours où ça va pas
iel se rappelle des scrolls interminables
de se sentir minable, en regardant des photos de faux corps, sans formes
comme si les regarder des heures lea ferait devenir comme eux
iel se rappelle du sang qui coule après avoir arraché tout ce qui dépasse sur sa peau
de la peur de sortir, de la peur qu’elle voit son corps, ce champ de bataille
iel se rappelle de tout
parce que les cicatrices restent
les marques sur la peau
et surtout celles dans la tête, ne s’effacent pas
mais elles guérissent quand le corps se répare
3.
pourvu qu’on s’aime
pourvu qu’on s’aime avec nos corps abîmés, chelous, poilus, cassés, réparés, cicatrisés, secs, gras, fins, fatigués, énergiques, battus, déchus, tristes, heureux, perdus, tendres
pourvu qu’on les aime nos corps
ou qu’on apprenne à les aimer
je veux caresser tes jambes poilues
et regarder tes vergetures
elles me rappellent les reflets du soleil dans l’eau
je veux que tu passes tes doigts sur mes cicatrices
sur mes cratères de lune
et que tu les aimes comme j’aime tes tâches
je n’aime pas les corps parfaits
je n’ose pas les toucher
j’aime sentir les irrégularités du vécu
je veux voir nos corps et leur gros plis dans le maillot de bain
je veux voir d’autres corps que ceux que l’on montre dans les média
un corps est beau parce qu’il existe
tout est construit pour qu’on le déteste
alors, pourvu qu’on les aime nos corps
qu’on les aime autant qu’on les a détestés
portons les chaînes qui nous ont empêché·es
les insultes entendues, faisons-en des chansons
torchon-nous le cul avec la norme
filmons-nous, prenons de photos et publions nos corps oubliés
l’avenir appartient aux corps invisibles et déviants
texte de Noa