Amouritié
Elles ont toutes les deux été victimes.
Elles se sont écoutées, soutenues, mais un lien a craqué.
Deux façons de faire qui se sont crashées.
Deux façons de faire comme on peut qui n’ont pas pu s’aligner.
D’un côté il y a celle qui veut oublier, pardonner, obéir à sa fratrie qui lui demande de ne rien dire à sa mère, de se taire à nouveau, »t’inquiète, c’est du passé ». Elle est d’accord, elle trouve que c’est sage. Elle aime sa famille, ça répare tout. Elle dit qu’elle se sent mieux. Elle a pardonné.
Il y a celle qui est révoltée, dégoûtée, elle a peur d’exploser sa famille, mais quand elle parle rien ne se passe. À elle aussi, on demande de ne pas en faire une maladie, « c’est trop tard, je suis déjà malade- ben va voir un psy ». Celle-là elle veut tout exploser, tout exposer, elle a besoin de VERITE, D’INTEGRITE, DE CLARTE. Celle-là ne comprend pas celle qui pardonne. Elle la voit boire des bières dès le petit dej, et elle se dit que cette voie sage du pardon la grignote de l’intérieur. Elle aime son amie, elle a le coeur brisé de la voir s’éteindre. Et surtout elle sait qu’elles ne peuvent plus s’entraider. La rebelle qui hurle fait trop de bruit pour celle qui ne peut que se soumettre au silence. La rebelle qui hurle a le coeur qui explose et ça fait trop de bruit. La rebelle sait que chacune fait comme elle peut, elle sait que sa douce amie alcoolique aurait encore besoin d’elle, mais leurs mots deviennent opaques, les moments partagés des dialogues de sourdes. La magie de leur amitié a disparu. La joie a laissé place à un semblant de sourires figés, il y a une énorme anguille sous roche, que dis-je, un éléphant sous caillou, on ne voit plus que ça. Personne n’a tort, personne n’a raison. Deux histoires de survie incompatibles.
Tu vas tellement me manquer.
texte de Samah